Ma vision de la Thérapie Comportementale Dialectique (TCD)
Déroulement d’une Thérapie Comportementale Dialectique (TCD)
Introduction
Tout d’abord, il est important de préciser qu’il s’agit d’une thérapie demandant beaucoup de motivation et d’investissement. Avant de s’y engager, le patient doit être conscient que le travail ne se limitera pas à la séance hebdomadaire d’une heure chez le psychologue. L’assiduité est indispensable, la thérapie doit être prioritaire.
Au quotidien, il devra être en permanence attentif à son comportement afin de relever systématiquement les situations qui lui ont semblé difficiles à gérer sur le plan relationnel et/ou émotionnel. Il analysera ensuite ces situations en se demandant si ses réactions ont été adaptées ou si, dans le cas contraire, il aurait pu agir autrement pour résoudre le problème ou, tout au moins, ne pas l’aggraver.
La thérapie TCD a pour objectif principal la mise en place progressive de stratégies permettant à terme au patient de contrôler son impulsivité et/ou ses débordements émotionnels afin de pouvoir gérer de façon optimale les situations problématiques au moment où elles se produisent et non à postériori. Les quatre clés permettant d’atteindre cette finalité sont la conscience de soi, la connaissance de soi, l’acceptation de soi et la remise en question de soi.
Voici les étapes qui, selon moi, permettent de s’inscrire graduellement dans cette méthode inspirée des thérapies cognitives et comportementales.
Déroulement de la thérapie
Lors de la première séance, le patient et le thérapeute vont faire connaissance, préciser le diagnostic, notamment s’il est ancien, et évaluer la qualité potentielle de la relation thérapeutique. Le thérapeute explique dans ses grandes lignes l’approche TCD et remet un document plus détaillé au patient pour étude après la séance.
A l’issue de cette première séance et s’il décide de s’engager dans ce travail, le patient est invité à :
- Réaliser en ligne le test des Schémas Précoces Inadaptés de Young afin de cerner les principaux traits de sa personnalité.
- Rédiger un récit de vie factuel (2 ou 3 pages maxi) reprenant les principaux événements survenus, l’histoire des troubles ainsi que les prises en charge médico-psychologiques pour permettre au thérapeute de mieux connaître le parcours de la personne sans, dans un premier temps, y consacrer plusieurs séances.
- Dessiner un génogramme de sa famille (grands parents, parents, frères et sœurs, conjoint(s), enfants et autres personnes importantes – cousins, oncles/tantes, etc.) – possibilité de faire ce travail avec le thérapeute si la personne est peu familiarisée avec les arbres généalogiques.
A la séance suivante, le test de Young est restitué dans sa globalité et les schémas ou domaines dysfonctionnels sont expliqués au patient.
Plusieurs séances seront ensuite consacrées à l’analyse détaillés du test, notamment en ce qui concerne les items très significatifs (côtés 5 ou 6) sur une échelle de 1 à 6. Pour chaque item concerné (par exemple : « je n’ai pas rencontré dans ma vie quelqu’un qui me soutienne vraiment et me conseille »), le patient va rechercher un exemple confirmant sa réponse ainsi qu’un exemple l’infirmant. Le but principal de ce travail est d’augmenter la connaissance de soi et débusquer les fausses croyances ou interprétations (par exemple, il arrive souvent qu’un patient soit convaincu de ne jamais avoir reçu de soutien alors qu’en réalité il a toujours été très entouré mais n’avait pas su ou voulu exprimer ses difficultés ou ses besoins aux personnes prêtes à l’aider. Parfois également, trop autocentré sur ses difficultés, il n’a juste pas entendu les propositions d’aide).
Parallèlement, le patient est ensuite invité à remplir un questionnaire très détaillé sur la conscience de son trouble et de ses manifestations. Il proposera à un ou plusieurs membres de son entourage de remplir le même questionnaire (un peu modifié). Le thérapeute pourra ainsi recueillir une vision croisée de la famille (ou des amis) et du patient sur ses troubles et sa personnalité. Nous nous référerons à ces questionnaires au fil des séances pour augmenter la connaissance de soi et repérer les scénarios de vie répétitifs.
Une séance sera consacrée à bien intégrer la méthodologie TCD, notamment en ce qui concerne les trois types de conscience : factuelle, émotionnelle et éclairée ainsi que la façon d’identifier les situations problématiques et de les noter.
La thérapie devient alors quotidienne même si, à ce stade, les séances n’aient lieu en général qu’une semaine sur deux : le patient doit relever méticuleusement toutes les situations qui lui ont posé des difficultés et les décrire :
- Objectivement (conscience
factuelle, comme si un témoin imaginaire assistait à la scène et notait
tout ce qu’il voyait, entendait, etc.)
- Sur le plan du ressenti (conscience émotionnelle, c’est-à dire le ressenti vécu par le patient pendant la situation ; lui seul peut décrire ces émotions invisibles pour les autres
- En conscience « éclairée, c’est-à-dire en évaluant dans quelle mesure le ressenti émotionnel et son interprétation ont influencé le déroulement factuel de la situation. Il faut savoir que dans toute situation il existe une réalité et une seule (exemple du patron qui ne dit pas bonjour à l’une de ses collaboratrices alors qu’il est d’ordinaire très aimable et poli ; il existe plusieurs interprétations, comme « j’ai dû faire quelque chose qui ne lui a pas plu », « il doit avoir des ennuis qui le préoccupent », « il a encore dû se disputer avec sa femme », etc. La conscience éclairée consiste à trouver cette réalité et/ou à repenser ses réactions face à la situation : « comment ai-je réagi, est-ce que ma réaction a été adaptée, a-t-elle au contraire aggravé la situation, comment aurais-je agi si j’avais identifié la réalité, etc. ».
Le thérapeute aidera bien-sûr le patient dans son analyse au cours des séances.
Le concept d’empathie est bien-sûr central dans cette quête de la réalité et indispensable pour réagir de façon adaptée aux situations problématiques. Il sera travaillé en profondeur si nécessaire.
L’objectif de tout ce travail est de pouvoir transposer l’analyse des situations passées à celles qui vont se dérouler dans le futur et à adopter les bonnes réactions « en temps réel », c’est-à-dire au moment où la situation se produit. Notre personnalité restera inchangée mais nous avons appris à mieux appréhender la réalité en écartant les interprétations erronées et à mieux maîtriser nos réactions face à une situation problématique.
En agissant de manière plus conforme à l’attente des autres (sans nier toutefois notre personnalité mais en nous protégeant de ses excès), ces derniers changeront également d’attitude à notre égard, ce qui va nous faire entrer dans un cercle vertueux rendant la vie moins axée sur la confrontation et donc plus sereine.
En parallèle de cette thérapie, je conseille vivement aux patients d’entreprendre un travail psychocorporel, Sophrologie et Pleine Conscience afin de mieux gérer leurs émotions et faciliter le retour au calme en cas de débordements ou de frustrations intenses.
Principales difficultés à affronter
Pour terminer ce petit document introductif, voici les principales difficultés auxquelles sera confrontée la personne qui entreprend cette thérapie.
En effet, la personne hyperémotive qui souhaite résoudre ses problèmes de dysrégulation émotionnelle va se trouver sans arrêt écartelée entre deux désirs contradictoires : ce qu’elle voudrait intellectuellement (changer pour aller mieux) et ce que son ressenti lui dicte (changer pour aller mieux mais tout en restant la même). Trois types de contradiction :
- Désirs paradoxaux – Contradiction entre la nécessité pour la personne de s’accepter telle qu’elle est aujourd’hui (condition préalable et incontournable à tout changement réaliste et durable) et le désir de changer tout de suite (en sautant cette étape) pour un meilleur bien-être. En d’autres termes, la personne voudrait devenir ce qu’elle aimerait être avant de savoir qui elle est vraiment.
- Perdre pour gagner – Contradiction entre le désir de changer et la crainte de perdre les bénéfices actuels en cas de réussite (par exemple vouloir guérir mais craindre ensuite d’être « abandonnée » par ses thérapeutes ou d’obtenir moins d’attention de la part de ses proches. Autre exemple : craindre de perdre sa réputation d’originalité et de spontanéité que lui confère sa personnalité émotionnelle et « entière »). Elle peut aussi craindre de perdre sa créativité artistique qu’elle attribue souvent à son hyperémotivité (alors que dans ce cas c’est l’hypersensibilité qui influence la créativité et non l’hyperémotivité).
- Blessure narcissique – En évoluant dans la thérapie, la personne va prendre conscience que « les autres » avaient raison quand ils lui disaient qu’elle ne se comportait pas normalement. C’était elle la « coupable », pas l’entourage ou la malchance comme elle voulait le croire.
Elle va ainsi passer du statut de victime des autres et du manque de chance à celui d’actrice principale de ses propres difficultés. Elle risque d’accepter difficilement ce nouveau statut qui lui impose de se positionner au cœur de sa problématique ; elle risque également de ne pas vraiment (vouloir) s’identifier à la personne qu’elle est en train de devenir.
Cette étape est la plus délicate et beaucoup de personnes abandonnent la thérapie à ce niveau. Il est en effet difficile de comprendre qu’accepter ce que l’on est n’implique pas de renier ce que l’on était.
C’est pour cette raison qu’il est important pour le patient de connaître les difficultés qu’il risque de rencontrer avant de s’engager à suivre cette thérapie, sous peine sinon de se sentir en échec.
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