Personnalité Etat Limite : Module 1, la conscience totale

Réunion n°2 – 23/8/16

Module 1 – Prise de conscience totale

Module 2  : Efficacité interpersonnelle

Module 3  : Régulation des émotions

Module 4  : Tolérance à la détresse

 

Module 1  : Prise de conscience totale

« Apprendre à contrôler son esprit au lieu de le laisser nous contrôler »

L’objectif de ce module « fil rouge » est d’améliorer la prise de conscience permanente de ce qu’on ressent, pense et fait, de manière à participer aux événements de manière éclairée et non impulsive. Il s’agit de distinguer la conscience rationnelle (intellectuelle, objective) de la conscience émotionnelle (ce qu’on ressent) et de reconnaître à tout moment dans quel état de conscience dominant on se trouve afin de pouvoir construire « en temps réel » un état de conscience éclairée, forme de compromis entre conscience émotionnelle et rationnelle, qui permettra de ne pas réagir impulsivement en fonction des seules émotions.

Il y a plusieurs façons de vivre les situations  :

  • sans y prêter attention car automatiques et habituelles (prendre le métro, effectuer un trajet complexe mais bien connu à pieds, etc.) ou bien sans enjeu.
  • En y prêtant une attention ciblée  : La situation vécue est bien connue mais elle nécessite de l’attention, du contrôle et de l’anticipation pour que les tâches effectuées soient optimales (exemple de la gymnaste qui connaît son mouvement par cœur mais qui doit y prêter une attention de tous les instants pour que chaque geste soit parfait, ou celui d’un conducteur qui conduit sur du verglas).
  • En y prêtant toute son attention lorsqu’on vit une nouvelle situation, lorsqu’on fait l’apprentissage d’un nouveau comportement ou lorsque l’on veut modifier son comportement face à une situation connue.
  • Sans se concentrer ni anticiper malgré les conséquences possibles, soit par laisser-aller ou manque de concentration, soit par impulsivité.

L’idée est donc d’anticiper en permanence, du moins au début et pendant la thérapie, afin de discriminer les différents types de situation et de les vivre « en conscience totale » lorsque nous sommes dans les cas 2, 3 ou 4.

La première étape consiste à distinguer les trois types de conscience

Conscience rationnelle (factuelle)  : observer et décrire les événements « hors soi », comme pourrait le faire un observateur extérieur. Une personne en état de conscience rationnelle aborde une situation de manière logique, froide, s’attachant aux faits et non aux émotions que ceux-ci provoquent. Il reste maître de ses décisions et de son comportement. Plus les émotions sont intenses et moins la conscience rationnelle est efficace. Cela explique pourquoi les personnes hypersensibles ont souvent des comportements inadaptés faces aux situations qu’ils vivent.

Conscience émotionnelle  : s’observer et décrire comment les événement ont été ressentis et interprétés. Une personne en état de conscience émotionnelle interprète la situation en fonction des émotions qu’il ressent à ce moment-là. La pensée objective est alors difficile, les faits sont déformés et amplifiés. Il ne faut pas en conclure que les émotions sont néfastes à l’intelligence, beaucoup d’entre elles nous guident dans la bonne direction et nous font parfois franchir des montagnes pour atteindre nos objectifs mais, parfois, lorsqu’elles sont trop fortes, elles provoquent des erreurs d’interprétation et une perte de contrôle sur la réalité.

Conscience éclairée  : Distinguer la réponse émotionnelle de l’événement qui l’a provoquée et essayer d’appréhender la réalité sans être dominé par nos émotions (ex  : Conscience rationnelle  : « ma meilleure amie ne m’a pas dit bonjour ». Conscience émotionnelle  : « je suis triste car je pense que ma meilleure amie est fâchée ». Conscience éclairée  : « Je suis triste car ma meilleure amie ne m’a pas dit bonjour, mais ce n’est pour autant que je dois penser qu’elle est fâchée »).  La conscience éclairée est la partie de chaque personne qui connaît et expérimente la vérité, c’est-à-dire celle qui nous indique que nous sommes en phase avec la réalité. Elle nous délivre de la sensation douloureuse de doute. Elle est comparable à l’intuition, allant au-delà du raisonnement et de l’expérience directe. Lorsqu’on atteint cet état face à une situation, on « sait » qu’on a raison, qu’on est en cohérence.

La compétence essentielle à acquérir est d’être capable à tout moment de vivre en pleine conscience chaque situation délicate et d’y réagir en conscience éclairée.

Cette compétence ne pourra s’acquérir que par une pratique assidue et intense, sur la base de l’apprentissage. Il va falloir « réapprendre » à se comporter face à des situations que vous n’avez peut-être jamais su vraiment gérer alors que, peut-être, vous êtes persuadée du contraire, pensant que vos réactions étaient les bonnes et que les difficultés ou échecs répétés étaient dus aux autres et que vous n’aviez pas le choix d’agir autrement (notamment dans le domaine des relations interpersonnelles). Cette remise en question profonde sera la difficulté la plus importante à vaincre car elle va reporter sur vous des erreurs que vous attribuiez généralement aux autres.

Apprentissage des compétences

Première étape : Observer sans réagir

La première étape consiste à vivre des situations en toute conscience sans chercher à modifier quoi que ce soit dans le déroulement des événements ni dans les émotions, pensées et réactions qu’elles vous inspirent. Vous vous autorisez à vivre la situation comme si c’était une expérience vécue par quelqu’un d’autre, comme si vous étiez votre propre observatrice.

Progressivement, vous pouvez choisir à l’avance une situation que vous vivrez en totale conscience. Par exemple, prendre un verre avec quelqu’un en observant toutes les interactions, ce que cette personne vous dit, ce que vous ressentez, ce que vous lui répondez, les silences  ; également en prenant conscience de ce qui vous entoure et de vos perceptions sensorielles. Cette expérience est assez difficile et demande beaucoup de concentration, elle peut dans un premier temps être limitée à quelques minutes.

Si vous avez coutume d’éviter ou de fuir les situations difficiles afin de couper court aux émotions négatives douloureuses, essayez progressivement, notamment lorsque vous vous serez approprié des stratégies de gestion des émotions, de ne pas rompre la situation et de supporter ces émotions et les pensées qui en découlent, en observant comment elles vont et viennent dans votre esprit, comment elles naissent et comment elles disparaissent.

Deuxième étape  : Décrire

Cette étape consiste à décrire avec des mots les événements que vous avez vécus. Dans un premier temps, vous décrirez des événements du passé et, dans un second temps des situations vécues lors de l’étape 1. Cette description est essentielle car les personnes hypersensibles ont souvent tendance à confondre les émotions qu’elles ressentent et les pensées qui en découlent avec les événements qui les ont produites (avoir peur ne signifie pas qu’on va affronter une situation dangereuse : angoisser à l’approche d’un examen ne signifie pas que passer un examen est dangereux mais qu’on risque d’échouer ; c’est très différent qu’angoisser à l’idée de faire une longue route de nuit… il est très important de faire cette distinction pour réagir de manière adaptée à l’émotion ressentie).

Pour cette raison, la description par écrit d’une situation se fera en deux temps :

1) Décrire de manière factuelle la situation, à la manière d’un observateur qui vous suivrait pas à pas et noterait tout ce qui se passe (« il m’a dit ça, j’ai répondu ça puis j’ai quitté la pièce, j’ai décidé d’aller voir mon copain Jean-Luc, j’ai pris le métro, il était environ 17h, etc..).

Ce texte doit être totalement compréhensible par quelqu’un qui ne connaît absolument pas votre histoire ; le récit doit donc englober tous les événements nécessaires à cette compréhension. Pour être le plus précis possible, faites appel à l’imagerie mentale, « revivez » les séquences. Nommez les gens, décrivez-les sommairement.

2) Insérer ensuite dans le texte précédent l’aspect émotionnel, c’est-à-dire tous les éléments inaccessibles à un observateur, à savoir les émotions que vous avez ressenties et l’interprétation que vous en avez faite. Exemple : (« il m’a dit que j’étais égoïste, je me suis sentie vexée, c’est trop injuste après ce que j’ai fait pour lui, j’avais envie de lui dire que tout était fini entre nous mais je me suis retenue, je n’ai pas répondu puis j’ai quitté la pièce car sinon la colère qui m’habitait aurait explosé, j’ai décidé d’aller voir mon copain Jean-Luc car lui seul est capable de me calmer quand je suis dans cet état, j’ai pris le métro, il était environ 17h, etc..)

Troisième étape : Participer

Une fois le texte de l’étape précédente terminé et validé en séance, le travail va consister à reconsidérer la situation sous l’angle de la « conscience éclairée », c’est à dire ce que vous auriez pu faire PERSONNELLEMENT (et non pas ce que les autres auraient pu faire pour vous…) au cours de cette situation pour modifier favorablement le cours des événements, notamment pour ne pas passer à l’acte et surmonter ce moment de grande détresse (dans l’exemple précédent, la personne a plutôt agi en conscience éclairée…).

Il est important d’intégrer et d’intérioriser le « nouveau déroulement » des événements en le revivant en imagination le plus précisément possible, en repassant plusieurs fois le film dans sa tête, éventuellement en état de conscience modifiée (hypnose ou relaxation profonde).

Les étapes 1 et 2 concernent bien entendu des événements passés puisque nous les racontons.

Progressivement et grâce à un entraînement intensif, vous allez pouvoir aborder non plus les souvenirs mais les situations qui se présentent quotidiennement  ; vous allez devenir capable d’aborder en temps réel et en conscience éclairée de plus en plus de situations de la vie qui réclament votre attention. Une fois la certitude acquise de pouvoir agir en conscience éclairée, vous vous libérerez des anciens réflexes et des ruminations, en faisant confiance à votre intuition et à votre (nouvelle) expérience (comme les personnes non hypersensibles en fait). Faites ce qui vous semble juste, comme vous le dictera votre conscience éclairée.

Ne vous attendez pas à ce que cette dernière étape soit facile et rapide. C’est à force de pratiquer activement que ces compétences feront partie de vous et que vous pourrez les utiliser en totale conscience. Dans le meilleur des cas, elles pourront même s’exercer à votre insu, sans solliciter votre conscience.

L’objectif final de la conscience totale est triple :

  • Etre capable de changer les situations désespérantes lorsque c’est possible, en les anticipant et en les préparant
  • Changer vos réactions désespérantes face à ces situations
  • Vous accepter telle que vous êtes (et non tel que vous devriez être) et à accepter la situation telle qu’elle est (et non telle qu’elle devrait être).

Comment mettre en application ces nouvelles compétences (Observer, décrire, participer) ?

Pour faciliter l’apprentissage de ces compétences, il va falloir prendre conscience de nos attitudes face aux événements et s’efforcer de les modifier. Les attitudes nécessaires pour progresser dans la conscience totale sont au nombre de trois  :

Attitude non jugeante

Cette attitude est primordiale, elle consiste à constater les faits sans les juger, c’est-à- dire sans les évaluer comme bon ou mauvais, bien ou mal. Ce qui est demandé n’est          pas d’atténuer ou assouplir le jugement, simplement ne pas juger. Les personnes hypersensibles ont tendance à juger les autres et à se juger elles-mêmes, souvent de manière excessive, en « noir » ou « blanc ».

Il faut comprendre que, dans la plupart des cas, une situation peut être vécue sans   aucun jugement, attitude le plus souvent adoptée par les personnes ne souffrant pas  d’hyper-sensibilité.  Plutôt que de juger une situation ou le comportement d’une  personne, on va se centrer sur les conséquences possible de la situation ou du comportement et, suivant les étapes de la prise de conscience totale, imaginer les réactions à adopter pour annuler ou atténuer les conséquences négatives.

Lorsque vous vivez une situation douloureuse, identifiez ce qui pourrait vous aider à mieux la supporter mais sans juger la solution (attention tout de même si cette solution     consiste à fuir la situation à l’aide de produits psychotropes…).

Attitude consciente

 La capacité à vivre une situation de manière consciente nécessite beaucoup de  concentration.

 Elle exige de ne faire qu’une chose à la fois (par exemple manger sans regarder la télé ou lire, parler à quelqu’un sans réfléchir à autre chose en même temps, travailler sans        écouter la radio, etc.) et d’y prêter une attention maximale (être là ici et maintenant).  Cette compétence est difficile à acquérir car elle demande beaucoup d’énergie.   Comme nous l’avons déjà dit, il faut l’appliquer très progressivement, au début sur des périodes très courtes et dans des situations choisies.

Par exemple  : faire un déjeuner seule sans aucune distraction, juste manger et prendre conscience des saveurs, du plaisir qui décroit à mesure de la prise alimentaire, etc. Ou bien une situation d’échange avec une personne, être totalement avec elle et non pas à côté d’elle, prendre conscience de toutes les paroles échangées, ressentir ses émotions et essayer de capter celles des autres.

Exercez votre vigilance pour détecter les moments où vous faites deux choses à la fois et revenez à votre tâche initiale (par exemple lorsque vous parlez à quelqu’un et que votre portable signale l’arrivée d’un SMS, ne pas se demander qui ça peut être…)

Attitude efficace

L’idée principale est de se concentrer sur ce qu’il est nécessaire de faire plutôt que sur ce qu’il est juste de faire (jugement). L’efficacité à comme objectif de faire évoluer une situation favorablement et du surtout d’éviter de l’aggraver pour des considération morales (jugement). Par exemple, ne pas répondre à une réflexion désobligeante plutôt que de rétorquer lorsqu’on sait que cela va empirer les choses, juste parce que vous n’aimez pas vous laisser faire. Rappelez-vous la phrase de Saint-Paul  : « je me sens fort quand je suis faible »  : Lorsqu’on choisit d’être faible, on est acteur de son choix, on est donc fort.

 Il est capital de ne pas créer un nouveau problème, souvent plus grave, en réagissant de manière impulsive au problème initial. Essayez de satisfaire aux exigences de la situation dans laquelle vous vous trouvez et  non pas dans celle que vous voudriez être, celle qui serait juste, celle que vous méritez,    etc.  Ne perdez jamais de vue vos objectifs lorsque vous en avez. Vous devez laisser tomber   les jugements de valeur et les émotions inappropriées (vengeance, colère, sentiment d’injustice) pour vous concentrer sur l’objectif.

Exemple  : Aurélie termine son Master2. Elle achève son Mémoire de fin d’étude, elle    y a consacré beaucoup de temps et commence à stresser, la remise finale est dans 15         jours. Il y a deux mois, sa Directrice de Mémoire avait validé son plan, mais l’avait   mise en garde envers la complexité du sujet qui risquait de ne pas plaire à l’ensemble du jury.  Aujourd’hui, Aurélie soumet son travail presque terminé à la directrice qui le critique assez violemment, lui reprochant d’être obscur et mal structuré. Elle propose à l’étudiante de refaire le plan avec elle, plan qu’elle avait approuvé il y a 2 mois. Sûre de son travail et de son bon droit, Aurélie est folle de rage et d’indignation. Dans un effort surhumain elle parvient à ne pas pleurer ni crier mais défend son mémoire pied à pied pour ne pas apporter de modifications majeures. La directrice finit par baisser les bras et l’autoriser à rendre le mémoire en l’état. Aurélie est satisfaite, elle ne s’est pas laissée faire par cette directrice qui change sans arrêt d’avis et qui ne respecte pas le travail des étudiantes.

Aurélie a-t-elle agi en conscience éclairée ? A-t-elle été non jugeante, concentrée et efficace ? Qu’auriez-vous fait à sa place ?

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